Madame La Maire,
Nous venons de prendre connaissance sur Twitter du compte-rendu de la réunion du groupe
EELV Paris 12ème du 15/10/2021, groupe auquel vous appartenez.
Ce texte nous amène à vous faire savoir et à rendre publique notre incompréhension, voire même notre
indignation, tant il est truffé de contre-vérités qui portent à la fois sur la façon dont vous et votre groupe avez géré le dossier du projet EMERIGE rue de Picpus que sur les intentions que vous prêtez aux riverains opposés à sa réalisation et à votre action dans ce domaine.
Gestion du projet EMERIGE
D’entrée de jeu vous vous vantez d’avoir obtenu «la remise à plat des grands projets hérités de l’ancienne
mandature, dont le Garage Picpus».
Pourtant vous êtes co-responsable de cet héritage dont vous semblez vouloir vous dédouaner.
En effet, vous faisiez partie de la majorité municipale lors de l’ancienne mandature et, à notre connaissance, vous ne vous êtes jamais alors opposée à ce projet. Pourtant les membres de cette majorité étaient forcément au courant de ce dernier depuis au moins 2017, date à laquelle a été organisé un concours d’architecte pour le projet EMERIGE dont Paris Habitat, donc la Ville, était partie prenante pour la partie logement social.
Vous parlez aussi de votre «heureux bilan» en soulignant votre «réussite à faire disparaître les problèmes
écologiques».
Comment pouvez-vous vous flatter d’un tel bilan en ce qui concerne le projet EMERIGE?
En effet, la demande de permis déposée le 29 octobre dernier montre qu’il reste très voisin de celui de juillet 2019 retiré en septembre 2020.
Ainsi, la proportion relative des surfaces construites et laissées libres reste globalement la même (selon les
chiffres fournis par le promoteur lui-même la surface construite au sol a même augmenté de 195 m², celle des espaces libres ayant diminué d’autant). La légère diminution de la surface de plancher (13%) n’est due pour l’essentiel qu’au fait que l’immeuble de 12 étages et les trois de 10 étages sont passés à 9 étages.
On reste donc sur un ensemble massif et dense dont cinq des neuf immeubles d’habitation ont encore 9
étages et dont l’espace central ouvert au public et végétalisé est toujours aussi étriqué (1890 m²)!
Est-ce en densifiant ainsi cet hectare de terrain et en n’ayant obtenu que quelques améliorations à la marge concernant l’usage de matériaux biosourcés pour la construction et un peu plus de pleine terre (471 m²) que vous pouvez soutenir avoir fait disparaître les problèmes écologiques ?
Pensez-vous réellement que ce projet favorisera la dédensification, la végétalisation, la biodiversité et
supprimera l’îlot de chaleur urbaine dû à ces constructions en cette période de réchauffement climatique ?
Est-ce ainsi que vous pensez anticiper la mise en place du PLU bioclimatique ?
Est-ce ainsi que vous pensez satisfaire aux recommandations de l’OMS et de la Ville de Paris qui préconisent 10 m² d’espaces verts par habitant ? Si ces conditions étaient respectées les 680 habitants (estimés) de ce projet devraient bénéficier de 6800 m² de verdure alors que ce dernier n’en offre que 3890.
Vous auriez également obtenu, «chose inédite», «les requalifications totales des projets d’urbanisme»
Pour ne parler que du projet EMERIGE (6 autres projets de constructions sont contestés dans le 12ème),
comment parler de requalification totale d’un projet et d’urbanisme alors que vous n’avez pas su saisir, pas plus que vos alliés politiques, l’occasion qui vous était offerte de créer sur cet hectare libéré par le garage Renault un véritable projet innovant prenant en compte, dans un quartier déjà très dense (34 757 habitants/km2), les spécificités de l’arrivée de la Sorbonne Nouvelle ?
Ce projet aurait dû mettre à la disposition des habitants infrastructures et équipements dans un ensemble aéré et réellement végétalisé comme cela avait été proposé par le Conseil de Quartier en 2016 lors de la révision du PLU, proposition dont vous n’avez tenu aucun compte.
Vous arguez que cela est impossible car le terrain appartient à un propriétaire privé.
Comment se fait-il que la majorité municipale et celle de la Ville n’aient pas fait le nécessaire pour préempter ce terrain quand il en était encore temps, c’est à dire dès 2014, période à partir de laquelle EMERIGE est progressivement devenu garagiste en entrant dans le capital du garage Renault ?
Cette opération, facilitée par la mise place en 2016 du PLU bétonneur de M. Missika, s’est terminée par le
rachat du terrain d’EMERIGE par l’EPFIF (coût pour les deniers publics de 82,4 millions d’€ et culbute
financière pour EMERIGE qui a ainsi pu revendre en 2018 à l’EPFIF un terrain qui valait quinze fois moins 19 ans auparavant).
Est-ce ainsi que vous entendez « affirmer (v)otre projet de gauche écolo » et celui de vos alliés ?
Pourtant vous concluez en soutenant que grâce à « des discussions avec le(s) promoteur(s) privé(s) très
fructueuses », vous avez pu obtenir « que quasiment tous (v)os engagements soient respectés ».
Certes, il y a eu une concertation organisée avec les riverains, mais pratiquement aucune de leurs propositions n’a été retenue. Par ailleurs, que faites-vous de l’accord de mandature que vous avez signé avant les municipales de 2020 avec Paris en Commun qui prévoyait, entre autre, des hauteurs d’immeubles ne dépassant pas 6 étages ?
Ostracisation des riverains contestataires et « mise en scène » de votre bilan
Que dire de vos propos sur les riverains qui ne sont pas en accord avec la façon dont ce projet a été géré ?
Pour vous « les plaintes émergent plutôt sur le terrain de la sécurité, des logements sociaux, des jeunes », les revendications des riverains « touchant plus au refus de voir des étrangers, des jeunes et des personnes plus modestes en termes de revenus dans leur quartier ». Vous résumez parfaitement le fond de votre pensée lorsque vous concluez que ce sont là des positionnements « de droite classique ».
Pour notre association, qui regroupe des personnes de sensibilités politiques variées, ce qui pose problème c’est la densité des constructions et l’absence de réelle végétalisation du projet et non les logements sociaux, comme nous vous l’avons d’ailleurs expliqué lorsque vous êtes venue sur notre balcon avant les municipales de 2020 !
Ce procès d’intention prêtant à notre association et ses membres des postures xénophobes, anti-jeunes, antisociales et disqualifiant leurs argumentaires exclusivement environnementaux tenus avec constance depuis sa création est purement scandaleux, insultant, voire diffamatoire. Un pur déni de la réalité de nos combats que vous voulez évacuer d’un revers de main car ils mettent en lumière vos contradictions.
N’utilisez-vous pas plutôt une vieille méthode, que l’on aimerait voir disparue, qui consiste à décrédibiliser l’adversaire lorsqu’on est à cours d’arguments rationnels ?
Cette méthode apparaît clairement dans la façon dont vous prodiguez vos conseils pour arriver à décrédibiliser publiquement l’action de vos opposants.
Il convient pour vous de souligner que « le projet n’est plus contesté », que nous n’arrivons plus à réunir que des « manifestations sans consistance » et vous conseillez « de s’appuyer sur les riverains du 107 rue de Reuilly » (Paris Habitat). S’agit-il de diviser pour mieux régner ? Vous semblez ignorer que notre association, elle, compte à ce jour 388 membres qui sauront se mobiliser le moment venu pour défendre leurs droits et leur vision des enjeux et impératifs environnementaux de ce quartier.
Que dire également de la relégation en fin de compte-rendu, dans les « sujets divers », de l’exclusion hors de votre parti de Tangi le Dantec , exclusion qui serait due à ses « difficultés à conjuguer sa vie militante
associative avec les intérêts d’EELV » ?
Ce membre de notre association a été exclu d’EELV, sans pouvoir se défendre, car il a simplement eu le tort de faire passer ses convictions dans ses actes en refusant d’adhérer à la belle histoire que vous voulez construire pour raconter votre gestion du dossier EMERIGE.
Vous reconnaissez en effet vous même que, pour « mettre en valeur (v)otre bilan à l’extérieur » et « parvenir à créer un récit qui fait rêver à la ville de demain » il est nécessaire de « créer un récit écolo » destiné à « mettre en scène (v)otre réussite ». Pour cela vos militants devront s’appuyer « sur des éléments de langage à reprendre et amplifier au Conseil de Paris ».
Vous conseillez même d’imposer l’idée : c’est la « région (qui est) bétonneuse » (sous-entendu pas la Ville).
On comprend donc que, dans ces conditions, vous soyez « très heureuse d’être élue » (par 5,2%
du corps électoral au premier tour et 11,5 % au second.. avec vos alliés), mais concevez que tous les habitants du quartier Picpus /Nation puissent ne pas être satisfaits de vos actions, de la façon fallacieuse dont vous les présentez et rêvent d’une ville de demain qui soit différente de celle que vous leur promettez si vous donnez un avis favorable au projet EMERIGE.
Marie-France SERU
Présidente de l’Association des riverains du 42/50 rue de Picpus