Chères adhérentes, chers adhérents,
Nous avons assisté le 30/09/2020 à 19h à la réunion publique organisée à la Mairie du 12ème par Madame E. Pierre-Marie, Maire de l’arrondissement, les participants étant invités à « entamer la redéfinition du projet du 42/48 rue de Picpus ».
A la tribune avaient pris place, outre Madame La Maire, des représentants de l’équipe municipale dont Monsieur R. Bouigue premier adjoint en charge de l’architecture et du patrimoine et Monsieur N. Rouveau adjoint en charge de l’urbanisme durable et de la ville résiliente et du quartier Nation/Picpus.
Etaient également présents Monsieur E. Grégoire premier adjoint à la Maire de Paris en charge de l’urbanisme ainsi que Madame L. Avia député de l’arrondissement.
Enfin EMERIGE était représenté par son PDG Monsieur L. Dumas qui était accompagné de Monsieur F. Bertrand DG, de Monsieur M. Hardel du cabinet d’architectes Hardel Le Bihan et de plusieurs autres collaborateurs de l’entreprise.
Une centaine de personnes seulement a pu assister à la réunion du fait des contraintes sanitaires actuelles : celles qui, comme cela avait été prévu, s’étaient inscrites au préalable. Certaines personnes, non inscrites, en surnombre ou redoutant la contagion, n’ont pu être présentes, ce qui atteste de l’intérêt porté par les habitants du quartier à cette réunion.
Madame La Maire a pris la parole en premier.
Après avoir remercié les personnes présentes à la tribune, elle a insisté sur les contacts préalables qui avaient permis à cette réunion de se tenir dans un esprit d’ouverture, ceux avec EMERIGE dont le PDG s’est déplacé en personne et ceux avec l’Association des riverains du 42/50 rue de Picpus (cf notre rencontre avec la maire du 22/09/2020).
Elle a ensuite développé les axes suivants :
- la ville doit s’adapter à l’urgence climatique (végétalisation, jardins en pleine terre),
- le projet doit être dédensifié,
- l’urgence démocratique doit conduire à repenser les choses en commun
- le projet EMERIGE est conforme au droit mais le fait d’avoir retiré le permis est un gage de bonne volonté ; le savoir faire de l’entreprise doit permettre de reconstruire ensemble quelque chose dont les familles (qui doivent pouvoir se loger), les étudiants (liaison avec l’université) et les riverains (sensibles à leur cadre de vie) doivent pouvoir bénéficier,
- nécessité de reconsidérer les jardins comme des espaces publics de respiration et de circulation
- un passage entre la rue de Reuilly et la rue de Picpus doit être pris en compte.
Madame La Maire a conclu à la nécessité de repenser ensemble un écoquartier s’inscrivant dans le PLU bioclimatique.
Monsieur E. Grégoire après avoir repris à son compte les concepts précédents a ensuite précisé :
- que pour lui il n’avait jamais été question que le permis de construire puisse être délivré en l’état,
- qu’une concertation, en liaison avec les associations représentatives était nécessaire, cette dernière devant prendre en compte un certain nombre « d’invariants » et aboutir à des ajustements.
Devant se rendre à une réunion en liaison avec les dispositifs sanitaires à prendre pour Paris, M. Grégoire a quitté la séance après son intervention.
Monsieur L. Dumas a ensuite pris la parole.
Il a indiqué en préambule que c’était dans un souci d’apaisement que le permis de construire avait été retiré. Il a reconnu que de ne pas avoir mis en place des réunions de concertation avec les habitants avant le dépôt de la demande de permis de construire avait été une erreur, mais qu’il n’avait jamais reçu de demande dans ce sens de la part de l’ancienne équipe municipale (Madame Baratti-Elbaz, ancienne maire du 12ème et Monsieur Missika, ancien adjoint à la Maire de Paris chargé de l’urbanisme).
- Dumas a alors convenu que maintenant un « nouveau process » allait débuter.
Il a ensuite retracé l’historique du projet.
S’appuyant sur un diaporama il a retracé les différentes étapes qui depuis 2015 avaient conduit au dépôt de la demande de permis en juin 2019. Nous en connaissions les grandes lignes puisqu’elles nous avaient déjà été indiquées par M. Bertrand lors de la réunion que nous avions eue avec EMERIGE le 17/09/2019 et que nous possédions déjà à l’époque les documents correspondant aux déclarations préalables de novembre 2018 et de mai 2019 ( voir notre compte-rendu du 19/09/2019 dont une copie avait été adressée aux Maires du 12ème et de Paris).
- Dumas a rappelé que le projet initial répondait au cahier des charges fourni par la Ville, qu’il était conforme au PLU et avait été sélectionné à l’issue d’un concours d’architecte (M. Missika faisait partie du jury). Ce projet a ensuite été modifié pour tenir compte des remarques formulées par la Ville (création d’une crèche, d’une salle de sport, d’espaces de bureaux et de co-working, de commerces, d’une placette sur la rue et accès au public de la cour végétalisée située entre les immeubles…) lors d’au moins quatre ateliers avec celle-ci. Nous vous avions communiqué lors de l’AGO de l’association du 1/10/2019 les descriptifs et les plans détaillés des projets de novembre 2018 et de mai 2019.
En s’appuyant sur une série de schémas M. Dumas a alors expliqué que les modifications successivement apportées à ce qu’aurait permis la stricte application du PLU avaient déjà conduit à réduire la surface des bâtiments au profit des espaces végétalisés en pleine terre.
Le projet de la demande déposée puis retirée répond donc pour M. Dumas à des normes qui sont bien inférieures à celles autorisées par le PLU.
Monsieur M. Hardel, architecte, à ensuite reprécisé à partir de plans de masse et de vues cavalières les caractéristiques et les modifications précises intervenues entre les projets de novembre 2018 et de mai 2019.
La parole est ensuite donnée à Madame M.F. Séru, présidente de l’Association des riverains du 42/50 rue de Picpus.
Cette dernière a tout d’abord rappelé que l’association compte 345 adhérents dont la moitié ne sont pas des riverains directs de la parcelle mais des habitants du quartier Picpus/Nation. En effet ses statuts stipulent que son objet n’est pas seulement la défense des seuls riverains mais aussi la protection de l’environnement et du cadre de vie des habitants du quartier.
Après avoir remercié Madame la Maire d’avoir fait le nécessaire pour que, pour la première fois, toutes les les parties concernées par le projet puissent enfin se retrouver, elle a fait part de la satisfaction de l’association de constater que les intervenants de la mairie rejoignent enfin les axes de son combat : le projet de la demande de permis est totalement inadapté aux données du réchauffement climatique et des pandémies actuelles. Il mérite donc d’être complément remis à plat. Dans cette optique, le fait qu’EMERIGE ait retiré sa demande constitue un premier pas et atteste de sa part d’une volonté d’ouverture.
Elle a toutefois fait remarquer que l’association ne pouvait que regretter le silence, les tergiversations et l’opacité qui ont prévalu dans le traitement de ce dossier par l’ancienne équipe municipale. En effet en dehors des informations fournies lors de la réunion du 17/09/2019 avec EMERIGE, tous les documents en la possession de l’association ont été réunis par ses soins et seuls plus de six mois de combat acharné et l’opportunité des élections municipales lui ont permis d’obtenir in extremis des éclaircissements et des engagements précis de la part du candidat de Paris en commun quant à l’avenir de la parcelle .
Ayant pris connaissances des différentes déclarations d’intention de la nouvelle majorité municipale et de la position d’EMERIGE, Mme Séru a recentré le débat en posant quatre questions concrètes ayant une cohérence logique et a demandé à ses interlocuteurs d’y répondre successivement pour que la salle ait eu connaissance de la globalité des réponses avant que la discussion ne s’engage avec elle.
- La question 1 a porté sur le PLU
- Grégoire ayant déclaré dans un tweet du 26/09 « le PLU est obsolète » cela signifie-t-il que le PLU actuel n’est plus applicable ? Quelles seront alors les règles d’urbanisme pour le nouveau projet puisque le nouveau PLU bioclimatique ne verra le jour que dans deux à trois ans ?
- Grégoire n’étant plus là c’est Madame La Maire qui a répondu. Ce sera le PLU actuel. M. Dumas a confirmé que ce faisant il serait dans son droit et a fait à nouveau remarquer que déjà dans l’ancien projet ce PLU était appliqué en deçà de ce qui était autorisé.
Mme. Séru a alors souligné la totale incohérence entre les vœux concernant les nécessités bioclimatiques et l’application d’un PLU reconnu comme obsolète.
- La question 2 a porté sur la conception du nouveau projet et son insertion dans le quartier
Va-t-il s’agir d’une totale remise à plat de l’ancien projet ou bien ce dernier sera-t-il seulement modifié à la marge ? Pour l’association le projet devra être totalement repensé pour permettre cette fois-ci de tenir compte à la fois des contraintes climatiques et sanitaires actuelles, mais aussi des mutations que va connaître le quartier du fait de l’ouverture de la Sorbonne Nouvelle (7000 étudiants/j) et de l’ancienne tour ONF (transformée en bureaux?), ce qui conduira à de nouveaux flux de population dans un quartier manquant cruellement de commerces et d’espaces végétalisés.
Le principe de la remise à plat du projet semble acquise pour M. Dumas. Ce dernier a fait remarquer que le Président de la Sorbonne Nouvelle avait été consulté, ce qui avait conduit à insérer dans le projet la salle sport et la maison des associations.
En réponse à une question de la salle s’inquiétant de l’endroit où les étudiants pourraient se tenir après ou entre les cours, Madame La Maire a indiqué que des espaces (bibliothèque, cafeteria …) étaient prévus dans l’enceinte de la faculté. Cette dernière a précisé, suite à une autre question de la salle, qu’une ouverture partielle aurait lieu en janvier (école d’interprétariat) mais que la rentrée définitive n’était prévue que pour septembre 2021.
Mme. Séru s’est étonnée que dans l’ancien projet aucun espace à l’air libre et végétalisé n’ait été prévu pour les étudiants, le bâtiment qui leur est destiné étant totalement minéral (mais sans doute cela ne faisait-il pas partie du cahier des charges de l’ancienne municipalité).
- La question 3 a porté sur les caractéristiques auxquelles devrait répondre le nouveau projet
Mme. Séru a demandé à M. Dumas comment EMERIGE allait faire passer dans le concret ses bonnes intentions théoriques (cf ses derniers tweets « …les derniers mois ont bouleversé le rapport à l’habitat en faisant naître un besoin important de reconnexion avec la nature …») et ne plus construire comme on le faisait dans les années 80. D’où la nécessité de concevoir un projet moins dense et plus végétalisé, ce qui devrait conduire à diminuer le nombre et la hauteur des immeubles. Ce concept est d’ailleurs celui du SCOT (schéma de cohérence territorial) qui prévoit pour tout nouveau projet immobilier une proportion de 50 à 60 % de pleine terre végétalisée. Il devrait être normalement voté à l’automne. Elle a insisté en revenant sur une diapositive de l’ancien projet sur le fait que l’essentiel des espaces en pleine terre n’étaient pas accessibles au public.
- Dumas a indiqué que les modalités de la dédensification pourraient être discutées mais qu’EMERIGE était contraint par des exigences financières et qu’il faudrait donc de ce fait arbitrer entre la hauteur des immeubles et la surface des jardins.
Mme Séru a répondu que ce raisonnement ne valait que si le nombre de logements restait le même.
Toutefois pour l’association si l’esprit de concertation est nécessaire il est indispensable de ne pas sacrifier aux exigences économiques celles concernant l’équilibre écologique et la qualité de vie des habitants du quartier et des nouveaux habitants (dont ceux des logements sociaux).
- La question 4 a porté sur les modalité de la concertation
Mme. Séru a demandé que soient précisés dès maintenant les points suivants : comment, avec qui et selon quel calendrier cette concertation va-t-telle avoir lieu ? Il n’est en effet plus question que ce qui s’est passé précédemment se reproduise et que les habitants soient simplement réunis pour information le jour où le nouveau projet sera pratiquement bouclé. Il est donc indispensable que leurs associations représentatives soient associées aux différentes étapes de l’élaboration de ce projet.
- Dumas a confirmé que ces modalités étaient acquises et qu’il prévoyait une à deux réunions de travail par mois jusqu’à la fin de l’année selon un calendrier à définir.
En conclusion Mme. Séru a indiqué qu’elle espérait que l’esprit de concertation permettrait de trouver les mesures exceptionnelles qui devraient voir le jour pour que le nouveau projet puisse tenir compte des conditions exceptionnelles que nous sommes en train de vivre ou devrons vivre à l’avenir.
Monsieur R. Bouigue a ensuite pris la parole.
Il a tenu à revenir sur les conditions dans lesquelles l’ancien projet avait été élaboré et sur l’absence de concertation qui aurait prévalu pendant cette période. Il a indiqué qu’il n’avait eu de cesse d’essayer de faire passer auprès des décideurs (dont M. Missika et M. Dumas) l’idée qu’une concertation avec les habitants était nécessaire (en particulier en novembre 2019 et janvier 2020) car le projet déposé faisait l’objet d’une forte contestation de la part des habitants . Il a conclu en disant que pour lui sans acceptabilité de leur part il ne pourrait y avoir de nouveau projet.
La séance a été levée comme prévu à 21h.
Nous espérons que ce compte-rendu (un peu long) permettra à ceux d’entre vous qui n’ont pu assister à cette réunion de s’en faire une idée, même s’il n’est pas exhaustif. Nous avons essayé de le rendre aussi fidèle et impartial que possible, même si cette qualité ne pourrait être obtenue que par un verbatim de la séance.
Il nous a semblé que chacun des intervenants a pu s’exprimer dans de bonnes conditions d’écoute et de respect mutuel et nous espérons avoir défendu au mieux les positions de l’association.
Nous avons toutefois regretté que le temps imparti du fait des conditions sanitaires n’ait pas permis à la discussion avec la salle d’avoir lieu.
Perspectives d’avenir et conclusion.
Il nous paraît acquis que les conditions d’opacité et « d’entre-soi » qui ont prévalu dans l’élaboration de l’ancien projet ne pourront plus prévaloir. Qui est responsable de cet ancien état de fait ? Nous ne le saurons jamais car chacun se renvoie la balle.
Il apparaît également que notre association est reconnue comme représentative et légitime pour participer aux réunions de concertation en vue de l’élaboration d’un nouveu projet et que ces réunions sont actées. Nous devons toutefois rester extrêmement vigilants sur les deux points suivants qui conditionnent tout le reste.
Premier point : le PLU
C’est le nœud du problème. En effet le promoteur est juridiquement en droit d’appliquer l’ancien PLU tant que le nouveau n’a pas été voté, mais la façon de l’appliquer sera le résultat de négociations voire de rapports de force politique (le PLU est le même pour tout Paris mais il n’est pas appliqué de la même façon partout à Paris).
Deuxième point : le nombre de logements
On ne pourra dédensifier les constructions (diminution de leur nombre et de leur hauteur ) et augmenter la végétalisation, que si le nombre de mètres carrés de logements diminue. Or la décision concernant ce nombre dépendra du nombre de logements réclamés par la mairie (du 12ème ou de Paris?) et il s’agit là d’une décision politique. Qu’est-ce qui va prévaloir : le social, l’écologie, ou un bon équilibre entre les deux dans le respect des populations qui occupent un logement social et ne méritent pas d’être entassées dans des conditions de vie à l’origine de problèmes connus de tous ?
En tout état de cause nous allons continuer de défendre nos positions, comme nous l’avons toujours fait c’est à dire avec acharnement, mais en respectant une totale neutralité politique, ce qui nous a permis de pouvoir continuer de parler avec tous, même si nous avions des désaccords avec certains.
Si à l’issue du processus de concertation prévu nous n’étions pas parvenus à un consensus et si un nouveau permis de construire était délivré pour un projet copie conforme à quelques détails près du précédent (donc en accord avec un PLU considéré par tous comme obsolète), nous nous réserverons bien sûr le droit de mettre en oeuvre tous les recours que permet la loi… en attendant le nouveau PLU bioclimatique.
Continuez à faire connaître notre association autour de vous et à y faire adhérer.
N’oubliez pas, si vous ne l’avez déjà fait, de renouveler votre adhésion en payant votre cotisation pour l’année 2020, car plus que jamais l’argent est le nerf d’une guerre qui nous l’espérons n’aura pas lieu, mais à laquelle nous devons être préparés.
Bien à vous
M.F. Séru
Présidente de l’association