Article le Parisien 03 Novembre 2019

Paris : les riverains de Picpus
mobilisés contre la création
de nouveaux immeubles

Un promoteur privé va raser l’immense
garage Nation pour le remplacer par 12
immeubles d’habitation. Les riverains
viennent de créer une association pour s’y
opposer.

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Ce vendredi dans le XIIe arrondissement. Marie-France
Séru (à droite) et ses voisins redoutent que l’immense concession auto qui s’étale sous leurs fenêtres soit remplacée par un nouveau lotissement de 900 habitants. LP/B.H.

Et si l’immense concession Renault-Nissan Nation (XIIe) était rasée pour laisser place à un nouveau « quartier » d’habitation et de commerces de pas moins de 12 immeubles ?

C’est en tout cas le projet lancé par le groupe de promotion
immobilière Emerige qui commence à sérieusement inquiéter les riverains du quartier. Et plus précisément les voisins de la parcelle du 42-50 rue de Picpus pour l’instant intégralement occupée par le garage dont les bâtiments s’étalent sur 1 hectare (soit la superficie du parvis de l’Hôtel de Ville !).

Lutter contre la « bétonisation de la capitale »

Ils ont récemment créé une association « apolitique », déjà forte de près de 200 adhérents, pour demander à la maire de Paris de refuser de délivrer le permis de construire au promoteur. Au nom de la lutte contre la densification et la bétonisation de la capitale. « La Ville pourrait profiter de cette belle opportunité foncière pour créer un espace vert au coeur de la rue de Picpus », suggère Marie-France Séru, présidente de la jeune association de riverains en s’étonnant du manque de concertation avec les riverains en amont de ce projet.

« Nous n’en avions jamais entendu parler. Nous l’avons découvert quand Emerige a déposé sa demande de permis de construire, durant l’été », précise la responsable associative. Elle a, depuis, dû multiplier les rendez-vous, notamment en mairie du XIIe et avec un représentant d’Emerige, pour obtenir des précisions sur un dossier…

« pourtant dans les tuyaux depuis au moins deux ans ».

12 immeubles et 900 habitants prévus

Le projet du promoteur, déjà remanié une fois et légèrement revu à la baisse à la demande de la mairie de Paris, prévoit la démolition totale du garage… A l’exception de la « maison bourgeoise » situé à l’entrée du site qui sera conservée et de la structure métallique du hall d’exposition de la concession qui sera démontée et réutilisée dans les futurs bâtiments. Les terrains libérés serviront à la construction de 12 immeubles (de 3 à 12 étages) accueillant des bureaux et des logements. A terme, 900 habitants y emménageront.

Une crèche de 33 berceaux et des commerces en rez-de-chaussée – principalement dédiés aux étudiants du futur campus Nation en cours de construction de l’autre côté de la rue de Picpus — complèteront le programme. « Beaucoup trop dense » selon les membres de l’association qui dénoncent le « double discours » d’une mairie voulant à la fois végétaliser et bétonner.

« La Ville ne peut pas faire ce qu’elle veut dans ce dossier »

La semaine dernière, au conseil d’arrondissement du XIIe, Ophélie Rota, élue UDI-Modem (et habitante du quartier Picpus), a déposé un voeu pour demander le rejet du permis de construire et l’aménagement d’un espace vert à la place du programme immobilier. Il a été très majoritairement rejeté. « Parce que la Ville ne peut pas faire ce qu’elle veut dans ce dossier, qui relève d’un promoteur privé», plaide Catherine Baratti-Elbaz, maire (PS) du XIIe.

« Emerige avait déjà racheté des parts du garage. Il n’y pas eu de vente de terrain. Donc pas de possibilité de préemption de notre part», poursuit l’élue. « Le promoteur a par ailleurs présenté un programme en tout point conforme au PLU (plan local d’urbanisme) qui prévoit dans ce secteur une réserve dite 60/60. C’est-à-dire que 60 % des surfaces construites doivent être dévolues au logement et parmi elles, 60 % au logement social. Proposer de faire un jardin public à la place est tout simplement impossible », conclut la maire
d’arrondissement, tout en précisant que la mairie peut toutefois continuer à discuter avec le promoteur pour faire évoluer le dossier « en concertation avec les riverains. »

Marche arrière sur le projet de Ménilmontant

La polémique lancée par les riverains de la rue de Picpus sur la production de logements (et de logements sociaux) dans une capitale ultra-dense intervient après de nombreux précédents. Dans le XVIIIe, les habitants sont aussi mobilisés contre l’aménagement de logements sur la friche Ordener-Poissonniers.

Dans le XIe arrondissement voisin par exemple, la maire de Paris a ainsi annoncé au printemps dernier l’annulation d’un programme de logements prévu sur un terrain sportif de Ménilmontant après une levée de boucliers des riverains et des écologistes qui avaient dénoncé la bétonisation d’un espace de pleine terre.

Ce ne sera pas le cas à Picpus, souligne-t-on chez Emerige qui rappelle que le projet « aura un impact positif sur
l’imperméabilisation des sols ». Le garage qui occupe actuellement toute la parcelle sera remplacée par une résidence avec 3 400 m2 d’espaces verts de pleine terre et 2 000 m2 de toiture et de dalle végétalisés. Pas de quoi rassurer les riverains de la future résidence qui ont déjà prévu de manifester devant le garage en sursis le dimanche 17 novembre prochain.

6000 ÉTUDIANTS ARRIVENT L’AN PROCHAIN

Déjà très dense, le secteur de Picpus va voir sa population augmenter dès l’an prochain… bien avant l’éventuelle construction du nouveau lotissement.

Le campus « Nation » de la Sorbonne nouvelle, dont la construction s’achève, ouvrira en effet ses portes à la rentrée universitaire 2020. Pas moins de 6 000 étudiants devraient fréquenter le site quotidiennement.

Le quartier, résidentiel et pauvre en commerces de proximité, n’est pas encore prêt à les accueillir comme l’a révélé une étude de l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme). L’ouverture de nouveaux commerces à la place du garage en sursis pourrait permettre d’y remédier.

Par Benoit Hasse le 3 novembre 2019 à 19h09